Bonjour, je suis Marie Foulon. J’ai 23 ans aujourd’hui et j’ai été adoptée par une famille française avec Julie Foulon à l’âge de 4 ans et elle 6. En octobre 2022, je suis partie en Éthiopie, à la rencontre de ma famille biologique.
Mes souvenirs
J’ai grandi en France en sachant que ma mère biologique était toujours vivante. Je savais également que j’étais la dernière d’une fratrie de 7 enfants et que mes frères et sœurs vivaient toujours en Éthiopie.
Dans le dossier confié à mes parents adoptifs, il était noté que mes deux parents étaient décédés. Mon père est décédé. Je me souviens clairement du jour de son enterrement. Il était aussi spécifié que sur les photos, la femme que je reconnaissais comme étant ma mère, était notifié comme étant ma tante.
Après quelques années en France, je n’ai pas réussi à tenir le secret initié par ma mère biologique. Mes parents adoptifs sont venus me voir en me montrant une photo d’une femme et je leur ai avoué que c’était ma mère et non ma tante. La réalité étant que ma mère biologique s’est volontairement fait passer pour morte afin de pouvoir garantir notre adoption. Au fond de moi, je le savais, mais j’avais besoin d’une confirmation. Donc je suis allée directement à la source en octobre 2022. Je suis allée en Éthiopie, à Dessie plus exactement pour aller à la rencontre de ma mère. Elle m’a affirmé que la décision de faire adopter Julie et moi venait bien d’elle.
Précisons également que Gilbert Bayon, fondateur de l’association d’adoption, a fait plusieurs voyages en Éthiopie afin de rencontrer nos familles biologiques. Lors d’un de ses voyages, Gilbert a vu une de mes sœurs qui lui a affirmé que la personne qu’il pensait être notre tante était finalement notre mère. Dès que Gilbert a eu la nouvelle, il nous a rédigé une lettre que l’on a reçue chez mes parents adoptifs. Lettre que l’on a eu et qui est conservée dans notre dossier.
Les réseaux sociaux et la famille biologique
En 2017, Julie a été recontactée par une femme habitant en France et qui connaissait ma mère biologique. Elle m’en a fait part et nous avons pu, pour la première fois depuis notre départ, voir ma mère en visio via WhatsApp. Les mots me manquaient lors de cet échange donc je n’ai pas eu le courage de lui poser des questions.
En 2021, une de mes sœurs biologiques habitant en Éthiopie me recontacte via messenger et me laisse libre de poser toutes questions. Elle confirme que notre adoption est bien à l’initiative de ma mère biologique.
Le livre Sara et Tsega et les propos des journaux
En 2017, suite à des désaccords personnels avec Julie, je décide de couper tout contact avec elle. Trois ans plus tard, elle décide de sortir un livre où j’apparais sur la couverture et sur le titre sans mon consentement. Été 2021, quelques journaux s’emparent de l’affaire et utilisent des termes indécents voire faux en racontant l’histoire de l’adoption de Julie et moi et en accusant à tort l’association d’adoption. Face aux propos tenus par les journaux sur l’association qui m’a fait adopter, je décide de rester discrète mais de m’excuser auprès de Gilbert. J’étais désolée de la situation et des proportions que cette affaire avait prises. De fil en aiguille, je rencontre des responsables de l’association actuelle, François et Véronique. En Octobre 2022, je pars en Éthiopie avec eux et deux autres adoptés.
Mon voyage en Éthiopie
Je ne peux pas dire que ce voyage m’a apporté des réponses, car je connaissais déjà mon histoire. Ce voyage a pu me permettre de connaître les motivations de ma mère, rencontrer mes frères et sœurs et voir où ma vie avait commencé. Je ne ressens aucune colère, car je comprends les décisions de chaque membre de ma famille. De ma naissance à mes 4 ans, j’ai eu une vie heureuse, entourée d’une famille aimante. Personne n’a été manipulé. Toutes les décisions prises pour Julie et moi étaient volontaires. Ma mère m’a répété qu’elle voulait que l’on soit adoptées pour que l’on puisse avoir un bel avenir. Mes frères et sœurs biologiques étaient heureux de me voir en bonne santé et réussir en France. Aujourd’hui encore je suis en contact avec eux. Je suis apaisée de les savoir en vie, heureux. Ce voyage rempli de découvertes n’est que le premier d’une longue lignée !
Les médias et vous
Je tenais à passer un message auprès des personnes qui sont touchés par les articles virulents sur l’association avec laquelle nous avons été adoptés. Gardez en tête que les médias sont à la recherche d’informations hors du commun. Chacune de nos histoires et de nos destins sont exceptionnels. Alors je voudrais juste vous demander de vous faire confiance et de faire confiance à vos souvenirs sans vous faire influencer. Ne laissez personne dire que votre vie est volée.
Comme la plupart d’entre vous, je suis née sous une première identité en Éthiopie puis j’ai grandi et évolué sous un nouveau nom en France. J’ai deux familles, deux histoires. J’ai eu des questionnements puis des réponses. Tout comme vous, j’ai eu des moments de doutes sur moi et mon identité : laquelle prévaloir ? Laquelle faire exister ? Comment agir ? À qui dois-je faire confiance ? Comment me construire ? J’aurais été heureuse de pouvoir vous livrer la recette mystère pour pouvoir répondre à toutes ces interrogations mais la réalité étant que je ne l’ai pas. Tous ceux qui choisissent la voie de la colère ne l’ont pas non plus. Tout ce que je peux vous conseiller c’est de vous faire confiance. Faites confiance à vos souvenirs, soyez honnête avec vous-même et si possible soyez bien accompagnée. Retournez en Éthiopie dès que possible sans vous mettre en danger mais n’y retournez jamais seul. Tournez-vous vers des personnes qui vous veulent du bien. Évitez tous ceux qui puisent en vous de l’énergie pour nourrir leur colère. J’imagine que pour chacun d’entre nous, il est difficile d’affronter son passé, mais il est plus difficile encore de se mentir. Vous avez la vérité en vous et l’Éthiopie saura vous la faire aimer. C’est un très beau pays, une très belle culture que j’ai eu la chance de voir. Elle réside là ma chance : dans cette double culture dont j’ai hérité et dont vous héritez également. Nous sommes cette diaspora qui tentons de vivre avec cette double existence, mais elle ne doit pas nous définir ni même nous enfermer. Ne vous faites pas avoir par la colère et les bassesses de certains articles. Je vous souhaite d’avoir la force de discerner le vrai du faux dans cette masse d’informations. Je crois en vous et l’association aussi. Il n’est jamais trop tard pour choisir le bien et la paix. Votre vie n’est pas volée, elle est en construction. À vous d’y donner sens ! »