Depuis début mai, ERM est victime d’une mise en accusation par les médias, à commencer par le magazine Causette qui a titré « ERM : scandale de l’adoption ». Ces articles ne respectent pas l’éthique du journalisme. Où est donc la présomption d’innocence ? ERM a été interviewée pendant près de trois heures et aucune des informations transmises n’a été publiée. Nous savons maintenant que Causette a enquêté depuis un an, sélectionnant soigneusement quelques témoignages qui contribuent à accuser ERM d’avoir permis des adoptions d’enfants dont l’un au moins des parents était vivant. Pourtant, le fonctionnement des adoptions en Éthiopie est simple : ce sont les autorités éthiopiennes qui déclarent les enfants orphelins et adoptables, et qui remettent les dossiers aux structures qui accueillent ces enfants, qui les remettront plus tard aux OAA qui faciliteront l’adoption de l’enfant.
Face à ces accusations, comment ERM peut-elle se défendre en quelques semaines, d’autant plus que la constitution du dossier initial ne lui est pas accessible ? ERM peut-elle être condamnée pour avoir travaillé avec des documents (enquêtes, jugement…) établis par les autorités éthiopiennes conformément à la réglementation et au cadre légal du pays, pays auquel ERM et son correspondant local ont dû fournir un dossier très complet avant de pouvoir être habilités à y travailler ? Il est d’autant plus difficile de fournir des explications lorsque les attaques sont anonymes, et lorsque, dans les rares cas où le plaignant est identifié, le secret professionnel ne permet pas de divulguer au grand public les documents qu’ERM possède.
Quand ERM veut adresser un droit de réponse à Causette, dès la première publication sur son site internet, celui-ci est refusé par Causette. Quand l’article est publié dans le magazine, il faudra à nouveau négocier par l’intermédiaire de nos avocats les mots employés. Cela prend des semaines ! Où est l’objectivité d’un journal qui publie l’équivalent de 20 pages de texte sur son site internet (épisodes 1, 2 et 3) et se permet de censurer une réponse d’une page ? Puis, après négociations, de rendre cette réponse uniquement accessible aux abonnés ?
Ensuite, France Inter et France Culture considèrent le contenu de l’article de Causette comme faits établis et ne prennent pas la peine de demander son avis à ERM. Une enfant adoptée, Julie Foulon y est dite avoir été « enlevée à sa mère » par France Inter le 26 mai 2021. France Culture, dans son émission « Les pieds sur terre » du 3 juin, cite explicitement le couple fondateur de l’association, Christine et Gilbert Bayon, évoquant en termes méprisant leur engagement catholique en faisant référence à des témoignages faux et anonymes. Parole est donnée à deux adoptés, dont Julie Foulon, « arrachés à leur famille par une association malveillante ». Comment peut-on qualifier de la sorte une association dont les activités ont été minutieusement contrôlées par l’État Français pendant 30 ans ?
Tout ceci a d’abord immensément choqué ERM, qui n’a pas pu réagir auprès des jeunes et adultes adoptés, mais a dû se mobiliser pour faire face aux accusations des médias qui ont fusé de toutes parts. Ce n’est que petit à petit que les membres ont pu se consacrer à une communication auprès des parents adoptifs et des adoptés, donnant lieu à une lettre largement diffusée.
Suite à la prise de conscience de la gravité des accusations par les familles adoptives et les adoptés, nous avons reçu de très nombreux messages pour soutenir Christine, Gilbert et les autres bénévoles, les remercier pour tout ce qu’ils ont fait. Nombre d’entre eux sont accessibles sur notre site internet (colonne de droite en page d’accueil).
Dans son édito, Causette veut faire croire que l’adoption plénière en France priverait les enfants de leur passé, que leur histoire serait effacée. Si cette mention peut faire écho d’un point de vue juridique, ERM a toujours considéré, en revanche, l’importance du maintien du lien, et fut et reste aujourd’hui la seule OAA travaillant avec l’Éthiopie aussi impliquée sur cette thématique. Les assemblées générales annuelles (journée entière avec de nombreux ateliers et témoignages), les bulletins de liaison bisannuels, les nombreux voyages des bénévoles sur le terrain en Éthiopie, l’insertion systématique dans le programme de parrainage des frères et sœurs des enfants adoptés (lorsqu’ils étaient identifiés), témoignent de sa volonté. Encore aujourd’hui, ERM, par son association sœur ARM, continue à parrainer 1070 enfants ou jeunes en Éthiopie. En témoigne aussi l’organisation par ERM des voyages « retour en Éthiopie », qui ont concerné une centaine de jeunes adoptés. Un beau film, ignoré par Causette, en rend compte :
Voir questions-réponses : Qu’en est-il des voyages « retour en Éthiopie »
L’Éthiopie aussi, malgré l’adoption plénière, accorde une place aux enfants adoptés en ayant conservé et en mettant à leur disposition leurs dossiers, et en leur offrant la possibilité d’avoir une carte de résident pour s’y installer et y travailler.
L’histoire de Julie Foulon, un douloureux malentendu.
Au printemps 2020, une jeune adoptée via ERM de 23 ans publie un livre « Sara et Tsega » dans lequel elle relate l’histoire douloureuse de son adoption. Son histoire est la suivante : début 2003, son père décède dans un accident de voiture. Sa mère se retrouve sans ressources avec 6 enfants, et en particulier les deux plus jeunes Sara (6 ans) et Tsega (4 ans). Des proches lui conseillent de confier ses deux dernières filles à l’adoption internationale. Comme la loi éthiopienne ne permet pas l’adoption d’enfants non orphelins, elle décide de se faire passer pour la tante de ses enfants et déclare que sa « sœur » est décédée. Elle fait témoigner Sara devant la commission des services sociaux et dit à Sara : « il faudra dire aux messieurs que tu vas rencontrer demain que je ne suis pas ta vraie mère, mais… la tante jumelle de ta maman ». (livre page 175). « Il faudra dire que ta mère est morte » (page 176). En l’absence d’état civil, l’identité de la personne qui demande à confier un ou des enfants en vue d’adoption internationale, doit être attestée par deux personnes qui engagent leur responsabilité car un faux témoignage est passible de prison. Cette condition étant remplie, les travailleurs sociaux acceptent la requête de la mère de Sara et les enfants sont ensuite confiées à l’antenne éthiopienne d’ERM par le service du Ministère du Travail et des Affaires sociales. Elles sont conduites à Addis-Abeba où l’association dispose d’un lieu d’accueil, dit la « petite maison ».
Les pays d’origine sont souverains pour décider de l’adoption d’un enfant. Les organismes d’adoption ne sont pas autorisés à exercer le moindre contrôle. ERM n’a disposé que d’un court historique des enfants mentionnant le décès de leurs deux parents, et du rapport de la commission des services sociaux réunie pour statuer sur l’avenir des enfants Sara et Tsega (dont la décision était que la meilleure solution pour ces enfants était l’adoption).
En 2003, Sara et Tsega sont confiées par ERM à une famille de Normandie, ce qui fait l’objet d’un jugement d’adoption au tribunal d’Addis-Abeba, puis d’un jugement d’adoption plénière en France, conformément aux règles de l’adoption internationale, sous le contrôle de la Mission de l’Adoption Internationale du ministère français des Affaires Étrangères. Sara et Tsega deviennent Julie et Marie Foulon.
On trouvera en questions-réponses une description du fonctionnement de l’adoption et la réponse aux nombreuses questions qui peuvent être posées sur notre association.
Malheureusement la mère biologique de Julie lui a déclaré au moment de la laisser partir : « Je reviendrai vous chercher ». « Promets-moi que tu ne parleras de ça à personne ? » (page 189). En arrivant dans sa famille adoptive, Julie ne peut dévoiler la vérité et ne peut accepter sa mère adoptive. Il s’ensuit une grande détresse et des conflits, surtout avec sa mère adoptive.
L’année suivant son arrivée en France, Julie et sa famille se rendent à l’AG annuelle ERM. Ils rencontrent Gilbert Bayon qui propose à Julie et ses parents de faire des recherches sur sa famille biologique (livre page 137). De fait, Gilbert Bayon a rencontré la mère de Julie (se faisant toujours passer pour la tante) en 2007 et ERM a obtenu l’année suivante l’aveu que cette tante était bien la mère de Julie qui confirme s’être fait passer pour morte. ERM a bien sûr informé la famille Foulon de tous ces contacts. Le jour où Julie a eu la force de dire à ses parents ce qui lui pesait sur le cœur, en avouant que sa mère biologique est vivante, ses parents lui ont montré les photos et documents transmis par ERM (livre pages 145 et suivantes). Julie écrit une lettre à sa mère biologique et reçoit une réponse. Sa mère confirme qu’elle a entrepris les démarches qui ont conduit à son adoption. Julie déclare alors à ses parents « je ne veux plus entendre parler de l’Éthiopie » (Interview France Culture).
Il faut rappeler que dès que le jugement d’adoption plénière est prononcé en France, la famille est la seule responsable juridique de ses enfants et qu’ERM n’a aucun droit à venir s’immiscer dans la vie de la famille. Mais nous avons relayé toutes les lettres et photos entre la famille Foulon et la famille biologique de Julie.
Quand la vérité est falsifiée pour justifier les plaintes.
Depuis la publication de son livre, Julie Foulon se fait systématiquement interviewer par les médias, quotidiens, magazines, radios, télévision. Si, peu après la sortie du livre, ces interviews étaient en cohérence avec ce dernier, elle y donne maintenant, depuis le dépôt de sa plainte, une version totalement erronée de la réalité et contraire à ce qu’elle a écrit dans son livre. Cela dénote une volonté de donner des justifications à sa plainte pour « abus de confiance et escroquerie », en particulier avec les déclarations suivantes totalement contredites par son livre :
- Elle dit que c’est l’homme qui l’a accompagnée à Addis Abeba qui lui a demandé de mentir : « tu vas devoir dire que ta mère est morte de maladie » (France Culture). Elle dit d’ailleurs dans son livre (page 180) : cet homme « respirait la gentillesse et la bonté ». Pourtant c’est clairement sa mère biologique qui lui a demandé.
- Elle dit avoir retrouvé sa mère biologique en 2017 par Facebook : « comment l’existence d’une mère biologique a-t-elle pu passer à la trappe ? » (Causette juin 2021, page 44). Pourtant ERM a mis en contact sa mère avec ses parents adoptifs 10 ans plus tôt !
Julie dit maintenant que son livre est une fiction et que la lettre reçue de sa maman serait une fausse lettre. Pourtant les nombreuses interviews de Julie à l’automne 2020 confirment le récit du livre.
Les adoptés ERM sont aujourd’hui victimes de Causette.
Les articles de Causette, et de tous ceux qui y font référence dans d’autres médias, ont des conséquences graves sur la communauté des adoptés ERM. Légitimement, le lecteur pourra se demander ce qui est recherché à travers la médiatisation « à charge » des plaintes déposées… car cette médiatisation incriminante, loin d’apporter une réflexion constructive sur l’adoption internationale, a entraîné un formidable « retour à la case départ » pour tous ceux qui avançaient sur le chemin de leur histoire. Un groupe d’adoptés a écrit une lettre à Causette et Radio France.
Ces adoptés « ressentent un préjudice lié à leur histoire personnelle et demandent le respect d’autres visions que celle imposée par le traitement médiatique de leur adoption ». Chaque adoption a pour origine un deuil ou un abandon suivi par un transport dans une autre culture et une famille non choisie. A-t-on conscience du long cheminement qui s’impose à un jeune enfant tout au long de sa vie ? De nombreux adoptés ont reçu des appels téléphoniques déstabilisants de Julie ou d’autres personnes de son cercle. Des parents nous signalent aussi des changements inquiétants dans l’attitude de leurs enfants. Cette médiatisation a provoqué un grand mal être chez de nombreux adoptés, sur qui on souhaite « plaquer » une histoire, alors qu’au contraire, ils ont besoin d’être accompagnés dans la découverte de leur propre histoire. Ce sont ces enfants, jeunes et adultes adoptés qu’ERM tient avant tout à protéger.
Les témoignages publiés par Causette pourraient laisser croire que les cas de mères se faisant passer pour décédées sont fréquents. Ils sont une réalité, mais restent minoritaires. En outre, dans la grande majorité des cas connus de retrouvaille avec la famille d’origine, l’intention de confier à l’adoption pour le bien de l’enfant a été confirmée par les familles elles-mêmes.
Le but de l’adoption est de donner une famille à un enfant qui n’a plus de parents. Malheureusement l’Éthiopie n’était pas en mesure de trouver des familles adoptives éthiopiennes et s’est donc tourné vers l’adoption internationale. Vouloir aujourd’hui contester la raison d’être des adoptions internationales d’enfants éthiopiens dénote une méconnaissance des réalités de ce pays que l’actualité nous rappelle tristement. L’adoption internationale a été l’un des moyens pour répondre aux situations de nombreux enfants victimes de conflits. La dure réalité de ces conflits interethniques nous rappelle combien le sort réservé à ces enfants est devenu bien incertain et préoccupant.
Même si, aujourd’hui, les plaintes n’ont pas encore été notifiées à ERM, nous souhaitons inviter les enfants, jeunes et adultes adoptés et leurs parents à s’interroger. Une plainte déposée peut-elle aider les enfants à accéder à la vérité sur leur histoire ? Un rapprochement avec l’association afin d’obtenir des informations et les clés de lecture pour comprendre son dossier, un voyage sur le terrain pour appréhender la réalité du pays et rencontrer sa famille biologique ne sont-ils pas nécessaires ? ERM s’est toujours investie et continuera de s’investir aux côtés des enfants adoptés, malgré les difficultés, elle est, comme leurs parents adoptifs, concernée par leur histoire.
Document rédigé par une équipe de membres de l’association ERM.
François Vivier, président des Enfants de Reine de Miséricorde
francois@vivier.info, 06 74 54 18 60.
Contact adoptés et familles : 02 44 84 45 46