Questions et réponses sur les adoptions en Ethiopie
Aujourd’hui un grand nombre d’adoptés sont adolescents ou devenus de jeunes adultes. Ils attendent et espèrent des réponses aux nombreuses questions qu’ils se posent sur leur histoire et le fonctionnement de l’adoption. On trouvera ci-dessous les réponses aux principales questions, que l’on complétera à la demande.
Le schéma ci-dessous présente les grandes lignes d’un fonctionnement qui a évolué dans le temps. Il peut y avoir des variantes suivant la région d’origine, l’existence ou pas de structures d’accueil (orphelinats), etc…
En Ethiopie
Déclaration au kébélé (premier niveau de l’administration locale ; un kébélé correspond à un quartier) par la ou les personnes qui ont trouvé ou recueilli l’enfant : police, voisins, famille…
Si nécessaire, placement de l’enfant dans une structure de recueil d’enfants indépendante de ERM.
Enquête par les travailleurs sociaux du Ministère des Affaires Sociales (MOLSA) du lieu de provenance de l’enfant donnant lieu à la décision administrative d’orienter ou non l’enfant vers l’adoption. Il faut pour que l’enfant soit déclaré adoptable qu’il soit orphelin de père et de mère ou que le parent survivant soit atteint d’une maladie incurable (sida) ou qu’il ait été trouvé abandonné.
Si décision d’adoptabilité, ce bureau attribue l’enfant pris en charge par un orphelinat à un organisme d’adoption, en l’occurrence ERM.
A partir de 1996, ERM a obtenu l’autorisation du MOLSA pour créer sa structure d’accueil provisoire : «petite maison» à Addis.
En France
Obtention par la famille d’un agrément auprès du département de résidence, après enquêtes psychologique et sociale
Candidature auprès d’ERM.
Entretiens et réunions avec des responsables ERM et psychologue.
Sélection des candidats, selon les critères du pays d’origine, ayant un agrément compatible (âge, fratries, handicap…) avec les enfants qui nous sont proposés.
Signature de la convention entre ERM et la famille. Les parents s’engagent à fournir des rapports annuels jusqu’à l’âge de 18 ans. Ils sont informés des risques d’écart d’âge et de problèmes de santé.
La MAI (Missions de l’Adoption Internationale) et le département sont informés à chaque étape.
Proposition de l’enfant à la famille par ERM.
Accord formel de la famille.
Envoi du dossier au représentant local ERM
Contrat d’adoption entre les affaires sociales éthiopiennes ou la structure d’accueil agréée d’une part, la famille, représentée par le représentant local ERM , d’autre part.
Jugement d’adoption prononcé par la cour spécialisée à Addis-Abeba sur la base du contrat d’adoption, suivi d’un délai de rétractation avec publication dans un journal donnant la possibilité à tous d’être informés de cette décision et de s’y opposer.
A partir de 2007, des jugements d’adoption mentionnent la présence au tribunal des personnes qui ont trouvé ou recueilli l’enfant.
Établissement de l’acte de naissance éthiopien, aux noms de l’enfant et des parents adoptifs.
La date de naissance réelle étant généralement inconnue, une date est fixée selon une estimation de l’âge par le médecin conseil de l’ambassade de France
Établissement du passeport de l’enfant selon les informations portées sur l’acte de naissance .
Déposition du dossier complet de l’enfant à l’Ambassade de France pour étude et transmission à la MAI afin de l’obtention du visa d’entrée en France
Visa délivré par le consulat de France d’Addis-Abeba, après vérification du dossier par la MAI qui a la responsabilité finale de la délivrance du visa.
Départ pour la France, accompagné jusqu’en 2004 (environ) par un membre ERM, par la famille ensuite.
Dépôt de la demande d’adoption plénière auprès du Tribunal de Grande Instance ou simple auprès du Tribunal d’Instance du lieu de résidence des parents adoptifs.
Prononcé du Jugement d’adoption plénière ou simple en France.
Les parents adoptifs sont alors les seuls représentants légaux de l’enfant et ERM n’a plus aucun droit pour intervenir dans la famille.
Comment ERM a commencé les adoptions ?
Christine et Gilbert, ne pouvant plus avoir d’enfant biologiquement parlant, se sont tournés vers l’adoption pour agrandir leur famille. Sollicités par des religieuses Éthiopiennes de la congrégation italienne des Filles de Sainte Anne qui cherchaient désespéramment des solutions pour leurs enfants qu’elles avaient en charge dans leur orphelinat de Guder à l’Ouest d’Addis-Abeba, ils ont donc demandé à tous les Organismes Autorisés pour l’Adoption en Éthiopie à l’époque d’aider ces sœurs. Malgré leur insistance, aucun d’entre eux ne voulait prendre en charge un nouvel orphelinat éloigné d’Addis. Ne voyant plus comment procéder, c’est le ministère français des Affaires Étrangères qui les incita à créer un Organisme Autorisé pour l’Adoption (OAA). Pour ce faire, il fallait tout d’abord obtenir du Président du Conseil Général du département de leur résidence, c’est-à-dire de la Manche, un agrément permettant d’exercer dans ce même département. Le nom choisi pour cet OAA fut celui des Enfants de Reine de Miséricorde (ERM) en raison du lieu du siège social situé dans l’ancien couvent des sœurs de la Miséricorde à Coutances. Une fois cette étape franchie, il fallut constituer un autre dossier pour cette fois obtenir l’habilitation pour servir d’intermédiaire pour l’adoption entre la France et l’Éthiopie La principale difficulté consistait à pouvoir justifier d’un représentant local en Éthiopie possédant toutes les garanties requises pour remplir cette fonction.C’est l’ONG Action contre la Faim, qui travaillait à cette époque sur le terrain pour contribuer au secours des populations souffrant de la famine, qui mit Christine et Gilbert en contact avec celui qui allait devenir le correspondant d’ERM et qui était alors responsable au sein du « Relief and Rehabilitation Commision » du transport de l’aide alimentaire envoyée par l’ONU. Une fois l’habilitation acquise pour œuvrer en France et en Éthiopie, l’association reconnue OAA put entamer les procédures pour rechercher des familles adoptives pour les grandes filles pour lesquelles les sœurs de Sainte Anne le sollicitaient. Cependant, le Ministère Éthiopien du Travail et des Affaires Sociales (MOLSA) ne tarda point à demander à ERM de venir en aide à d’autres orphelinats, cette fois à Addis-Abeba (Genete Yesus, Almaz Home, Kebebe Tsehai) qui recherchaient des solutions pérennes pour les enfants qu’ils avaient en charge. C’est ainsi que pour répondre positivement à cet appel, ERM déposa des dossiers de demande d’agrément dans d’autres départements et dut trouver des correspondants dans ces mêmes départements ainsi que des psychologues et pédopsychiatres. Ensuite, MOLSA sollicita ERM pour aider les orphelinats de Kombolcha et Bati en dehors d’Addis-Abeba. ERM a tenu de son côté à collaborer avec les Missionnaires de la Charité (œuvre fondée par Sainte Téresa de Calcutta) car les sœurs recherchaient des familles pour leurs enfants seuls ou en fratries dont beaucoup étaient handicapés ou sidéens. Ensuite, c’est le Burkina-Faso qui sollicita ERM en 1993 par l’intermédiaire d’un prêtre qui recommanda l’association à l’orphelinat du Kisito à Ouagadougou.
Pourquoi découvre-t'on des parents déclarés décédés toujours vivants ?
Faute d’accès à une quelconque aide sociale, une mère en situation de détresse, et en l’absence du père disparu ou décédé, ne peut savoir que faire pour subvenir aux besoins de sa famille. Or en Éthiopie l’adoption offre la possibilité de confier un ou des enfants à condition qu’il(s) soit(ent) orphelin(s) de père et de mère à une famille étrangère qui lui ou leur offrira le confort matériel et la possibilité de faire des études. En effet, l’abandon par les parents n’est pas autorisé par la loi éthiopienne, sauf maladie incurable (Sida en particulier). Même si les cas demeurent marginaux, pour contourner cet obstacle majeur, certaines mères ont pris le risque de mentir en se faisant passer pour une tante ou un autre membre de la famille en profitant de l’absence d’état civil qui, s’il avait existé, aurait rendu impossible de telles pratiques. De plus, elles ont dû trouver deux témoins pour attester leurs déclarations mensongères, ces derniers se mettant également en faute au regard de la loi éthiopienne qui punit sévèrement les fausses dépositions.
Nous n’avons aucun jugement à porter sur la décision de confier à l’adoption son ou ses enfants bien au contraire, cependant, force est de constater que les enfants se trouvent donc tenus par un secret qui se révèle extrêmement lourd de conséquences quant à la possibilité de s’attacher ensuite à de nouveaux parents en particulier une nouvelle maman, la maman d’adoption. Ces derniers ne peuvent comprendre les enjeux de ce choix, et vivent la rupture de liens le plus souvent sans explication et avec l’espoir de retrouver rapidement leur famille, mère et fratrie. Tout cet ensemble est à remettre dans le contexte de ce pays où les services sociaux, très démunis, n’ont guère de solution à proposer et ne peuvent tout vérifier. Il faut aussi comprendre qu’après des années de régime politique autoritaire et meurtrier (période du DERG), le mensonge est dans ce pays devenu une défense naturelle pour la survie. Tout cela n’a été compris qu’au fil des ans.
Quand et comment a-t-on découvert l'existence de faux témoignages
Gilbert Bayon, alors président d’ERM, s’est rendu très régulièrement en Éthiopie, c’est-à-dire au moins une fois par an, pour visiter nos partenaires et les enfants parrainés. C’est à ces occasions, en 2004, alors qu’il se trouvait dans un quartier d’Addis-Abeba proche d’un orphelinat d’où le Ministère avait confié des enfants en vue d’adoption à ERM, que quelques femmes apprenant sa venue l’ont interpellé en demandant des nouvelles de leurs enfants. C’est ainsi que Gilbert Bayon a cherché à comprendre et à savoir ce qu’il en était et qu’il a dès lors multiplié ses voyages en s’attachant à rechercher des familles d’origine, souvent à la demande des familles adoptives informées à son retour. C’est également à partir de ce moment que les rapprochements entre adoptés et familles d’origines et la recherche de la vérité, dans le respect des adoptés, est devenu un objectif constant d’ERM. ERM a également multiplié les échanges avec les responsables du Ministère du Travail et des Affaires Sociales éthiopien (MOLSA), notamment en invitant ses responsables lors des AG afin de toujours plus sécuriser les procédures. Ces réalités ont été commentées lors des AG annuelles de l’association réunissant les familles.
Pourquoi ERM n'a pas arrêté les adoptions quand elle a découvert l'existence de faux témoignages
Les autorités éthiopiennes, ayant aussi pris conscience de l’existence d’adoption d’enfants non orphelins, ont progressivement fait évoluer les procédures d’adoption : obligation à la personne ayant confié un enfant aux services sociaux de témoigner au tribunal d’Addis-Abeba (constaté à partir de 2007) pour confirmer ses dires, présence des familles adoptives au jugement d’adoption à Addis-Abeba, réduction drastique du nombre de dossier traités pour assurer un contrôle plus attentif, nouvelle loi sur l’adoption présentant l’adoption internationale comme le dernier recours après avoir épuisé toutes les solutions locales…
Dans ce contexte, ERM toujours soucieux de considérer que l’adoption est une famille pour un enfant, et non un enfant pour une famille, devant le nombre immense d’enfants éthiopiens sans solution dans leur propre pays (plusieurs millions d’après l’UNICEF), a continué de mener des adoptions tout en sollicitant ses donateurs pour amplifier les parrainages par son association sœur ARM. C’est ainsi que le site internet « JeParraine.org » a été lancés en 2003 et qu’ARM a été reconnue d’utilité publique en 2007.
Quelle aide ERM peut-elle apporter aujourd'hui ?
En 2019, pour répondre à des demandes de plus en plus fréquentes d’adoptés, ERM a décidé de scanner l’ensemble des dossiers d’adoption (budget 10 000 €), y compris les originaux en amharique. En effet, le volume important de ces dossiers et le fait qu’ERM n’a plus ni salarié ni local, rendait l’accès à tel dossier quasi impossible. ERM tient à disposition leur dossier pour tous les adoptés majeurs sur simple demande, sous la seule réserve de vérifier l’identité du demandeur. Ces dossiers contiennent surtout les actes officiels d’adoption et les informations obtenues sur le passé des enfants au moment de l’adoption déjà communiqués aux parents adoptifs. On y trouve aussi des informations qui auraient pu être recueillies lors des recherches de familles d’origine. Attention, il y a le plus souvent bien peu de chose sur le passé de l’enfant, voir même rien du tout pour les adoptions les plus anciennes.
Aujourd’hui, ERM, par téléphone ou par e-mail, se tient à la disposition de tous les adoptés ou de leurs familles pour répondre à leurs questions, les aider à mieux comprendre leur situation et prêter une oreille attentive à leurs blessures éventuelles, voire les orienter vers des services appropriés.
ERM a depuis très longtemps aidé des adoptés en demande de leurs racines. À l’heure où ERM cesse ses activités d’adoption, non sans émotion, on continuera à le faire sous une forme à définir. Rappelons que 1722 enfants, dont 1575 en Éthiopie, ont été adoptés par ERM. Nous sommes toujours en mesure de faire des recherches en Éthiopie pour tenter de retrouver des membres de la famille d’origine et/ou vérifier des informations, en particulier celles obtenues par les réseaux sociaux. Nous le faisons gratuitement, chacun étant libre de contribuer ensuite aux dépenses engagées sur place par une cotisation ou un don. Malheureusement la situation sanitaire et politique actuelle en Éthiopie est un obstacle à certaines recherches. Nous pouvons aussi conseiller ceux qui souhaitent faire un voyage en Éthiopie à la recherche de leurs racines.
Qu'en est-il des voyages "retour en Ethiopie"
Les adoptés ont des doubles racines, celles dans leur pays d’origine, celles qu’ils ont construites ensuite en France. A l’adolescence ou à l’âge adulte, de nombreux adoptés ont le désir, ou même le besoin vital, de les retrouver. C’est pourquoi Gilbert Bayou, alors président de ERM et ARM, a pris l’initiative d’organiser des voyages “retour en Ethiopie”. Ces voyages ont eu lieu tous les deux ans depuis 2006. Le groupe, une douzaines de jeunes, voire plus, sélectionnés en fonction de leurs motivations, est préparé à l’avance lors de plusieurs weekends. Malheureusement la situation sanitaire, mais aussi politique en Ethiopie, n’a pas permis d’organiser un tel voyage en 2020 ni 2021. A ce jour, une centaine de jeunes ont participé à ces voyages.
Lors du voyage qui dure environ 3 semaines, ils sont encadrés par une équipe de bénévoles adultes, apte à l’encadrement de ces jeunes. Un médecin fait aussi partie de l’équipe d’accompagnement, un interprète aussi bien sûr. Une première partie du séjour, dans un village éthiopien, avec un programme de soutien aux enfants et jeunes du village (travaux dans une école, soins médicaux…) leur permettent de créer des liens avec ceux dont ils sont les invités.
Une deuxième partie du voyage, plus chargée d’émotion, plus personnalisée, consiste à prendre ou reprendre des contacts avec leurs familles éthiopiennes, quand il a été possible de les retrouver, ce qui est assez souvent le cas.
Outre ces voyages organisés par l’association, de plus en plus de jeunes adoptés et/ou leurs familles adoptrices font des voyages en Ethiopie pour mieux connaître l’Ethiopie et, pour ceux qui ont eu la chance de la retrouver, rencontrer les familles d’origine.
Un film a été réalisé par Bernard Simon lors du voyage de 2008.
Il est possible de le visionner en ligne :
https://www.filmdoc.fr/retour-en-ethiopie-le-film/#more-12295.
Il vous est possible de commander le DVD, incluant des « bonus » très intéressants sur la boutique jeparraine.com :
Comment se fait-il que des familles éthiopiennes retrouvent des adoptés ?
Les rapports de suivi que les familles adoptives ont l’obligation d’établir annuellement sont adressés par ERM au ministère éthiopien de la condition féminine. Nous avons découvert que ces rapports sont de fait accessibles aux familles d’origine qui ont, sur demande auprès des services sociaux, des nouvelles de leurs adoptés. C’est pourquoi il arrive que des familles d’origine aient entre leurs mains des photos des enfants adoptés. Ces rapports ne contiennent pas l’adresse et autres contacts de la famille adoptive. Mais les prénoms et noms français y sont inscrits et permettent de faire des recherches sur les réseaux sociaux.
Pourquoi constate t'on des écarts entre âge officiel et âge réel ?
Il n’y a pas d’état civil en Ethiopie. La plupart des naissances ne sont pas déclarées. Dans les contrats et jugements d’adoption en Ethiopie, un âge est mentionné, celui qui a été déclaré par la personne ayant confié l’enfant, ou, s’il a été trouvé, l’âge estimé par des services sociaux. Il se dit que plus un enfant est jeune, plus facilement il sera adopté. C’est malheureusement une réalité, éloignée de la pratique d’ERM qui a toujours cherché une famille pour les cas les plus difficiles (enfants âgés, fratries, handicap). Après le jugement d’adoption en Ethiopie, les papiers officiels (acte de naissance, passeport) sont établis et il faut définir la date de naissance qui y est inscrite, le plus souvent après avis du médecin de l’ambassade de France. Des retards de croissance peuvent entrainer de mauvaises estimations dans un sens comme de l’autre.
A l’arrivée en France, il arrive que l’on constate que l’enfant semble plus âgé que son âge officiel, et cela peut être confirmé par le pédiatre, les enseignants, les éducateurs, le radiologue (âge osseux)… Avant l’adoption plénière, il est possible de faire une demande de modification de l’âge. ERM est conscient que ces écarts d’âge peuvent être très préjudiciables au développement de l’enfant et c’est pourquoi les parents en sont bien informés lors de la signature de la convention.
Attention : les grilles d’évaluation des âges osseux ont été établies à partir de données relevées sur des populations n’ayant pas subi de restrictions alimentaires, infestations parasitaires, conditions de vie ayant une répercussion sur la maturation psychologique de l’enfant. Elles sont donc peu fiables.
Pourquoi une adoption plénière en France ?
La conception traditionnelle de l’adoption en Éthiopie est assez différente de celles que nous avons en Europe. Les liens du sang dominent et l’adoption ne les rompt pas. C’est pourquoi les familles d’origine pensent qu’elles auront des nouvelles de l’enfant et qu’elles le verront revenir après leur majorité. Il semble que les services sociaux éthiopiens informaient mal les familles de la réalité du statut des adoptions dans les pays d’accueil. En revanche, le tribunal d’Addis-Abeba en était tout à fait conscient et de nombreux contrats ou jugements d’adoption mentionnent explicitement le caractère irréversible de l’adoption plénière en France. La double nationalité n’étant pas reconnue par l’État Éthiopien, l’enfant adopté perd sa nationalité éthiopienne et acquière la nationalité française.
A l’arrivée en France, les familles font une demande d’adoption plénière. Dans la très grande majorité des cas, les tribunaux accordent l’adoption plénière au nom de l’intérêt de l’enfant qui bénéficie alors d’une totale égalité avec d’éventuels autres enfants de la famille.
Comme cela s’est vérifié par la pratique, cela n’empêche nullement au jeune adopté de retrouver sa famille d’origine et même de bénéficier du droit éthiopien qui continue à leur permettre d’hériter, si cela se présente, de ses parents biologiques. Il existe une carte d’identité de personnes d’origine éthiopienne qui permet de vivre en Éthiopie avec tous les droits (par exemple achat d’une maison, travail, création d’entreprise…) à la seule exception du droit de vote.
Comment étaient choisies les familles adoptives ?
Conformément à la loi, l’association ERM a appelé pour l’adoption des familles ayant déjà obtenu un agrément par les services de leur département de résidence. Cet agrément est délivré après plusieurs enquêtes, sociales et psychologique, pour un ou plusieurs enfants proposés à l’adoption sans aucune intervention de l’association.
Les familles retenues par ERM devaient correspondre aux demandes du pays d’origine, dont la durée de mariage minimale de deux ans pour l’Éthiopie. Elles devaient répondre aux besoins en termes de nombre d’enfants, et accueillir éventuellement des fratries entières proposées par les orphelinats afin de ne pas séparer les frères et sœurs.
Les familles ayant déjà obtenu l’agrément étaient reçues par un membre proche de l’association, spécialisé dans l’adoption, afin d’évaluer les capacités d’accueil des couples en termes d’affectivité, d’écoute, d’investissement social et d’ouverture à des aides extérieures en cas de difficultés. Sur le plan religieux il était important de faire preuve d’ouverture et de respect, sachant que la plupart des enfants avait grandi avec les repères de la foi de leurs parents d’origine. La seule référence d’une pratique dans la foi catholique ne suffisait pas pour être choisi.
Aujourd’hui, nous avons connaissance de témoignages d’adoptés qui ont eu une histoire difficile avec leur famille adoptive, certains ayant même rompu le lien avec cette famille. C’est un fait dont il nous faut prendre acte tout en essayant de comprendre ce qui a pu se passer dans certaines situations.
D’une part les études de psychologie ont récemment mis en évidence l’existence de troubles graves de l’attachement, difficilement décelables, chez certains jeunes proposés à l’adoption. Ces troubles, dont les jeunes ne sont pas responsables, sont réactivés dans le lien adoptif. Ces situations ont généré de la violence au sein des familles, l’adoption ne pouvant se réaliser pleinement et mettant en souffrance les jeunes comme leurs parents adoptifs. Seule une aide spécialisée importante, avec parfois une séparation temporaire, peut contribuer à rétablir des liens vivables pour chacun en évitant la maltraitance réciproque.
D’autre part il est important pour la famille adoptive de prendre en compte l’histoire de leur enfant dans son pays d’origine, à travers les papiers officiels mais aussi par les paroles du jeune quand celui-ci est capable de s’exprimer. En particulier l’existence d’un père et d’une mère biologique, qu’ils soient vivants (comme on peut le découvrir à postériori) ou décédés. Cela exige de la famille adoptive des qualités de résilience et des aptitudes parentales bien particulières afin d’aider leur enfant à s’exprimer et à se construire avec toute son histoire faites d’événements heureux mais aussi de blessures et parfois de mensonges.
L’association ERM est consciente de n’avoir pas toujours su exercer un esprit critique suffisant dans le choix des familles et exprime ses regrets vis-à-vis des jeunes adoptés qui ont trop souffert de ces situations. Par ses bulletins, ses réunions et sessions pour les familles, avec invitation de spécialistes, son écoute téléphonique, son réseau de correspondants, ERM a apporté aux familles une aide spécifique au cas par cas des enfants adoptés. Il nous faut malheureusement constater que de nombreuses familles n’ont pas saisi ces opportunités et se sont progressivement éloignées de notre association. Or l’adoption plénière, prononcée par un tribunal français, rend seule la famille adoptive responsable de l’éducation de ses enfants, l’organisme d’adoption n’ayant aucun droit à venir s’immiscer dans ses choix. Sauf bien sûr à faire un signalement aux services de l’enfance en cas de connaissance de faits suffisamment graves pour le justifier.
On notera que la législation d’autres pays donne plus de pouvoir qu’en France pour exercer un suivi des enfants adoptés. D’ailleurs un décret d’avril 2002 sur les organismes d’adoption a enlevé à ces derniers le droit de « sélectionner » les familles, sauf s’il n’y a pas d’enfant à proposer où que les familles ne correspondent pas aux critères de sélection du pays d’origine. Cette deuxième possibilité nous a permis de continuer à exercer un choix des familles jusqu’à la fin de notre activité.
Nous souhaitons saluer le courage, la résilience et la force de vie des jeunes adoptés, comme la générosité de nombreux parents, ayant ensemble construit une vie de famille source de stabilité et de joie pour chacun. Nous nous sentons toujours proches de ceux qui souffrent encore de situations douloureuses, les jeunes et les parents, et nous souhaitons rester disponibles pour leur procurer l’aide dont ils ont besoin.
Quel était le coût des adoptions ?
En tant qu’Organisme Autorisé pour l’Adoption (OAA), habilité par le Ministère des Affaires Étrangères, chaque adoption par ERM faisait l’objet d’un contrôle étroit par la MAI (Mission de l’Adoption Internationale), service concerné du Ministère. Le montant des sommes demandées aux familles pour couvrir les dépenses d’adoptions font l’objet d’un accord de la MAI à qui toute demande de modification doit être faite et justifiée. Les comptes d’ERM étaient certifiés par un commissaire aux comptes.
Pourquoi les adoptions en Ethiopie ont-elles été interrompues ?
En 2016, la MAI décide de suspendre les adoptions en Éthiopie. Une reprise de ces adoptions ne serait possible qu’en cas de ratification et de mise en conformité avec la convention de la Haye sur les Droits de l’Enfant. L’Éthiopie, n’ayant pas d’État Civil (de très nombreux enfants ne sont pas déclarés à la naissance), une telle ratification n’est envisageable qu’à long terme. Les OAA ont été autorisées à mener à terme les adoptions ayant déjà fait l’objet d’une attribution d’enfant à une famille. C’est ainsi que le dernier enfant d’Éthiopie est une fille arrivée en mai 2017.
En 2018, les députés éthiopiens votent l’interdiction des adoptions par les étrangers, déjà suspendues depuis avril 2017. Cette décision repose sur le constat de mauvais traitements, voire d’actes criminels, dont auraient été victimes des adoptés dans leurs familles adoptives. Il semble que de telles situations se soient surtout produites aux États-Unis.
Pourquoi Gilbert et Christine Bayon ont-ils cessé leur activité dans ERM ?
Si Christine a souhaité arrêter de se dévouer à la cause de l’adoption en 2014, c’est en raison des graves soucis de santé de son époux (2 greffes des reins et dialyses), de l’âge avancé de ses parents éloignés, de la disponibilité nécessaire pour leurs derniers grands enfants et leurs petits enfants.
Pourquoi Christine Bayon ne se rendait pas en Ethiopie ?
Gilbert Bayon n’a cessé de se rendre en Éthiopie une ou deux fois par an. Ayant de nombreux enfants en charge, Christine ne pouvait raisonnablement envisager de laisser la maison et suivre son époux lors de ses voyages. De plus, il fallait être disponible en permanence pour l’association.
Comment fonctionnaient les adoptions ?